À Cuba, les musiques traditionnelles, celles qui sont considérées comme les plus anciennes, sont principalement les musiques jouées dès les XVIIIe et XIXe siècles par les esclaves importés d'Afrique. Ces musiques sont majoritairement rituelles, mais parfois également profanes. Certaines sont métissées de traditions européennes. Ces musiques ont été recensées, elles sont classées en à peu près une centaine de styles disséminés dans toute l'île. Il arrive parfois que certaines musiques anciennes des paysans blancs soient également considérées comme traditionnelles. Dans un futur relativement proche, certaines musiques dites "populaires" du début du XXIe siècle seront sans doute également considérées comme traditionnelles.
Le Conjunto Folklórico Nacional de Cuba est une institution considérable, ayant regroupé tous les meilleurs spécialistes des musiques traditionnelles de Cuba. Il agit comme un Conservatoire de musiques, dont certaines sont malheureusement en voie de disparition. Il comprend actuellement 109 membres dont dix percussionnistes titulaires.
Il est une des créations initiales de la Révolution castriste.
Peu après l'accession au pouvoir des "rebelles" castristes, en janvier 1959, une nouvelle institution est créée, qui portera le nom de "Teatro y Danza Nacional". Elle se divisera en cinq départements:
-Le Département de Musique, qui deviendra la Orquesta Sinfónica Nacional.
-Le Département de Danse Moderne, qui deviendra le Grupo de Danza Contemporanea.
-Le Département de Théâtre.
-Le Département Choral, qui deviendra le Coro Polifónico Nacional, et
-Le département de Folklore, qui deviendra le Conjunto Folklórico Nacional, fondé le 7 mai 1962
Jesús Pérez, un des musiciens les plus importants du folklore yoruba, s'était déjà considérablement investi dans Teatro y Danza Nacional, et dans des tentatives, dirigées par Gilberto Valdés, d'oeuvres symphoniques dans lesquelles intervenaient des percussions traditionnelles (les tambours batá).
Les musicologues Argeliers León, María Teresa Linares et Rogelio Martínez Furé ont été investis dans la direction du CFN.
Des auditions furent organisées, et on sélectionna parmi plus de deux cent cinquante postulants une soixantaine de musiciens et de danseurs tous spécialistes dans divers domaines du folklore cubain. Ces "artistes" (comme ils fallait les appeler dorénavant) engagés étaient tous investis à divers degrés dans les différentes religions afro-cubaines, ce qui n'a pas été sans poser des problèmes de conflits, dont certains ont parfois dégénérés en drames.
Un autre sujet de conflits a été celui (délicat en termes d'éthique) de présenter sur scène des traditions religieuses dont ceratines étaient secrètes, sinon sacrées.
Ces artistes sont rémunérés, comme tous les musiciens professionnels de Cuba, selon une classification "A", "B" ou "C", correspondant à leur niveau estimé par des évaluations régulières, et selon une grille de salaire adéquate.
Outre Jesús Pérez, parmi ceux que dorénavant on appellera "membres-fondateurs" du CFN, citons:
Trinidad Torregrosa, Lázaro Ros, Nieves Fresneda, José Oriol, Manuela Alonso, Emilio O'Farrill, Roque Duarte, Carlos Aldama, Mario Jáuregui "Aspirina", Luis Chacón "Aspirina", Lázaro Galarraga, Gregorio "El Goyo" Hernández, "Pancho Quinto" Mora, Mario Dreke "Chavalonga", Justo Pelladito, Felipe Alfonso, Zenaida Armenteros, Librada Quesada, Fermín Naní, Concepción Delgado, et bien d'autres encore.
Les artistes engagés travaillent d'emblée tous ensemble, partageant leurs connaissances, et collaborent à des projets d'envergure qui, utilisant des éléments traditionnels très authentiques, permettent de monter les premières pièces figurant au répertoire du ballet.
Le 25 juillet 1963, le CFN présente ses deux premières oeuvres: la première oeuvre prend le nom de "Ciclo Yoruba". La culture yoruba de Cuba étant prépondérante, et son répertoire si vaste, il était logique que la première oeuvre du CFN traite de ce sujet.
La seconde est appellée "Rumbas y Comparsas", et met en scène ces deux styles de musique qui sont à la frontière entre musique traditionnelle et musique populaire.
Le 8 juillet 1965, le CFN présente au public trois nouvelles oeuvres: "Ciclo Yoruba-Iyesá", "Ciclo de Música Popular" et "Ciclo Abakuá". La présentation du "tableau" abakuá crée une quasi-émeute: un abakuá initié dans le public lance une salutation rituelle à un danseur revêtant un costume d'íreme, et, celui-ci ne répondant pas, commence alors le scandale:
"Ce type-là n'est pas abakuá!, il n'a pas le droit de danser cela!!".
On est obligé de faire intervenir la police au beau milieu du spectacle.
Le 21 août 1971, peu après son 23e anniversaire, Alberto Villarreal participe à la nouvelle oeuvre du CFN nommée
"Alafín de Oyó" ("le Prince d'Oyó" - tableau yoruba).
Le 26 décembre 1974, une nouvelle oeuvre est présentée, qui porte le nom de "Estampas Cubanas".
Sur l'affiche ci-dessus datant probablement des années 1970, au voit au centre Gregorio "El Goyo" Hernández (avec la machete), et Juan de Dios Rámos "El colo" (avec le serpent autour du cou. Au fond à droire: Mario Jáuregui. (cliquer sur la photo pour l'agrandir).
Les créations du CFN se sont enchaînées avec le temps, et son répertoire actuel est considérable. Pour plus d'informations sur le CFN, visitez le site Afrocubaweb ou lisez l'excellent ouvrage de Katherine Hagedorn "Divine Utterances", où sont révélées certaines incroyables anectodes sur l'histoire du Conjunto Foklórico Nacional.
Faire partie (ou avoir fait partie) du CFN constitue pour n'importe quel artiste folklorique cubain un "must" dans son curriculum vitae.
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