(Interview réalisée par Antoine Miniconi en janvier 2007)
Antoine: "Dans quel quartier de La Havane êtes-vous né?"
Alberto: "Je suis né à Guanabacoa, où j'ai commencé à l'âge de 11 ans à jouer "dans la rue". Tous les jours il y avait de la musique dans mon quartier, et plus de musique folklorique que populaire, et c'est la folklorique qui me plaisait le plus, alors je m'y suis dédié. À 13, 14 ans j'ai commencé à jouer dans les fêtes et dans les rituels.
Antoine: "À quelle lignée de joueurs de tambour batá appartenez-vous?"
Alberto: "Je suis de la lignée de Fermín Basinde. Ensuite j'ai joué dans quasiment tous les tambours de fundamento de La Havane."
Antoine: "Pour vous, la vraie source des tambours batá de La Havane se situe-t'elle à Guanabacoa et à Regla, ou également à Marianao?"
Alberto: "Oui, c'est vrai, Guanabacoa: Regla, et Marianao, mais il y avait également des tambours batá dans quasiment tous les quartiers de La Havane."
Antoine: "Fernando Ortiz dit que les années 1950 il ne restait que 11 jeux de batá de fundamento en activité, et il redoutait que les batá ne viennent à disparaître. La situation a changé après la Révolution. Dans les années 1960, quand vous avez commencé à jouer, le tambour batá était-il fortement présent dans les autres quartiers?"
Alberto: "Oui, dans les années 1960, dans tous les quartiers de La Havane le tambour batá était fortement implanté."
Antoine: "Quels furent les grands tamboreros et les grands chanteurs avec qui vous avez joué?"
Alberto: "J'ai joué avec presque tous les grands. Je les ai tous connus, ceux qui sont morts, ceux qui sont encore en vie. J'ai accompagné quasiment tous les grands chanteurs: Lázaro Ros, Felipe Alfonso, Pedro Saavedra, José Antonio "El Mago", tous…".
Antoine: "Quels sont pour vous les grands tamboreros de la vieille époque qui sont encore en vie?"
Alberto: "Mario Jáuregui "Aspirina", Armando Pedroso, Ángel Bolaño, Wichi, moi-même, qui suis déjà ancien dans le tambour… il en reste encore beaucoup."
Antoine: "Quel fut votre premier travail de musicien professionnel en dehors des rituels?"
Alberto: "J'ai commencé à travaillé professionnellement avec le groupe Sicamalié de Luis Chacón "Aspirina", puis je suis entré en 1971 au Conjunto Foklórico Nacional, où j'ai poursuivi ma formation en tant que percussionniste de folklore.
Antoine: "À partir de quand avez-vous commencé à gagner votre vie uniquement avec la musique?"
Alberto: "À partir de la fin des années 1960, à cette époque je participais à beaucoup de groupes, dans les carnavals, dans toutes les activités qu'il y avait à cette époque."
Antoine: "Vous êtes très connu en tant que Olubatá, comme spécialiste de la musique yoruba. Vous considérez-vous uniquement comme tel, ou bien comme spécialsite du folklore en général?"
Alberto: "Je joue tous les styles de folklore, toutes les musiques folkloriques qui existent à Cuba."
Antoine: "Quel est votre poste au sein du Conjunto Folklórico Nacional?"
Alberto: "Je suis premier percussionniste, avec la qualification A, je suis professeur de folkore et Directeur Musical du CFN, depuis le milieu des années 1980."
Antoine: "Avez-vous commencé à tourner internationalement avant d'entrer dans le CFN?"
Alberto: "Non. J'ai commencé à voyager à l'étranger dans les tournées internationales du CFN, et j'ai joué dans de nombreux pays: en Asie, en Amérique, en Afrique, partout. Aux U.S.A., au Japon, en Afrique, Mozambique, Zambie; au Mexique, Venezuela, Pérou, Colombie, et en Europe dans quasiment tous les pays."
Antoine: "Vous avez enseigné à vos deux fils à jouer depuis qu'ils sont petits?"
Alberto: "Oui, ils vivent dans ma maison, et c'est naturellement qu'ils ont appris à jouer, depuis qu'ils ont pu tenir un tambour".
Antoine: "À partir de quand avez-vous enseigné à des musiciens étrangers?".
Alberto: "Je ne peux pas dire, depuis longtemps, il me semble que c'est depuis toujours…"
Antoine: "La musique afro-cubaine est très peu connue du public européen, mais il semble qu'elle lui plaise en tant que spectacle. Ma sa diffusion commerciale reste loin derrière la musique populaire et la Salsa. Pourtant, dans nos écoles, nous devons enseigner la musique traditionnelle cubaine plus que la populaire, parce qu'elle est plus ancienne et plus authentique. Que pensez-vous de cette situation?"
Alberto: "Je suis d'accord avec cette idée: la vraie musique de Cuba est la folklorique, c'est la plus authentique, et l'étude de cette musique est plus sérieuse, c'est un travail plus difficile, mais de là naissent toutes les autres musiques cubaines. C'est naturel…"
Antoine: "La musique des tambours batá a changé beaucoup depuis les années 1970, et les gens inventent de nouvelles choses…"
Alberto: "C'est l'évolution normale de cette musique, les choses changent, c'est normal, c'est la preuve que cette musique est vivante, je trouve cela normal et naturel."
Antoine: "Par rapport à votre propre style de jeu, essayez-vous de le maintenir identique et authentique ou en avez-vous changé quelques éléments?"
Alberto: "Non, j'essaie de maintenir mon style tel qu'il est, sans rien y changer".
Antoine: "Récemment est sorti le magnifique ouvrage de votre élève américaine Katherine Hagedorn, dans lequel vous êtes un informateur de premier plan. Dans le même ordre d'idée, si vous aviez un souhait que vous pouviez réaliser, un projet de livre, de disque ou de film, quel serait-il?"
Alberto: "Je suis prêt à étudier toute sorte de proposition, mais je n'ai pas de projet semblable dans l'immédiat, à part peut-être un projet discographique."
Antoine: "Merci beaucoup, avec toutes ces informations nous allons tenter de créer une page web sur vous, qui sera sans doute plus conséquent que les quelques informations qu'on trouve sur vous sur l'excellent site batadrums.com."
Alberto: "Merci à vous".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire